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Le cheval vigneron

Jean-Léo Dugast - FECTU

Isis, jument bretonne, évolue lentement dans une parcelle aux couleurs d’automne du Clos des Capucins au pied de la citadelle de Chinon. Ce chaussage était encore effectué au tracteur il y a quelques années. Comme d’autres domaines, petits ou grands, le Clos des Capucins est passé au cheval. Encore modeste, si on tient compte des surfaces viticoles françaises, le passage à l’énergie cheval est en augmentation très sensible, surtout sur les domaines cultivés en bio ou en biodynamie. Dans un premier temps, plus important dans des régions comme la Bourgogne ou le Bordelais, le retour du travail au cheval dans la vigne est désormais une réalité pour l’ensemble des vignobles du pays. Des régions, comme la Champagne, la Vallée de la Loire, qui comptaient bien peu de domaines faisant appel au cheval, voient de plus en plus de propriétaires vignerons faire confiance à la traction animale.

Aucune statistique ne permet de connaître avec précision les surfaces cultivées au cheval. Il en va de même pour les forces humaines, laboureurs prestataires et laboureurs propriétaires ou salariés, engagées dans cette conversion. La profession de laboureur vigneron au cheval, en plein développement, n’est pas suffisamment structurée et ne bénéficie d’aucune représentation nationale, association ou syndicat. Selon les régions, les laboureurs prestataires sont payés à des tarifs horaires de l’ordre de 60 à 70 €. Certains préfèrent être rémunérés à la surface travaillée plutôt qu’à l’heure. Quelques domaines viticoles travaillant en régie et utilisant leurs propres chevaux font parfois appel, en force d’appoint, à des prestataires extérieurs quand la charge de travail l’impose ou quand des difficultés apparaissent dans la gestion des chevaux du domaine.

Mouvement de fond, le retour du cheval dans la vigne n’est pas un effet de mode, même si l’aspect communication n’est pas à exclure. Laboureur appliqué, le cheval accomplit un travail précis, buttage, décavaillonnage et griffage, qui laisse la vigne exempte de toute dégradation. Les bienfaits du cheval concernent aussi les sols. Les tassements sont très largement réduits. Alors que les tracteurs provoquent des tassements en bandes régulières, le cheval occasionne des tassements limités en surface. Conjugués à l’absence de vibrations dues au tracteur, ces facteurs entraînent un taux d’activité biologique des sols supérieur de 40%. L’abandon du désherbage chimique et le développement de pratiques culturales biologiques et biodynamiques expliquent aussi le regain d’intérêt pour le cheval. Le travail des vignes au cheval n’a jamais totalement disparu des zones où la culture en terrasses ou sur de fortes pentes rend l’utilisation du tracteur ou du chenillard difficile. Le cheval est aussi un allié précieux dans le cas de jeunes plants ou de vignes anciennes.

Ce retour du cheval dans la vigne entraîne la fabrication de nouveaux outils vignerons, inspirés des outils anciens, mais en utilisant des technologies et des matériaux modernes. Depuis quelques années des constructeurs produisent leurs outils en petite série, preuve du réel développement de ce secteur de la traction animale moderne.